Repenser la responsabilité dans la mode : aller au-delà de la « durabilité
- Didem Kurtoğlu

- il y a 3 jours
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L’impact environnemental de la mode est connu depuis des années, et pourtant, l’industrie continue comme si de rien n’était. Alors que les crises climatiques occupent les gros titres, la mode poursuit ses activités habituelles. On pourrait penser que la durabilité serait une priorité centrale — mais en réalité, les discussions à ce sujet sont souvent incohérentes et mal orientées.
Le terme « durabilité » lui-même est devenu presque vide de sens. Les marques l’appliquent à tout ce qui semble légèrement meilleur que les pratiques conventionnelles : un T-shirt tendance en coton biologique ou une chaussure dite « durable » alors qu’elle contient du cuir synthétique à base de pétrole. Sans définition claire et universelle, le greenwashing prolifère. Les géants de la fast fashion peuvent afficher des objectifs de durabilité ambitieux, alors même que leur modèle économique repose sur des vêtements bon marché et jetables. La mode contribue à la dégradation de l’environnement par les émissions de carbone, la consommation excessive d’eau, l’extraction des matières premières, les produits chimiques et les déchets. Sur le plan culturel, elle reflète notre désir de gratification instantanée et de nouveauté constante, et pourtant nous continuons à utiliser un langage vague pour décrire ces enjeux complexes — laissant consommateurs et professionnels du secteur perplexes.
Plutôt que de traiter la durabilité comme un mot à la mode ou un outil marketing optionnel, l’attention devrait se tourner vers la responsabilité des entreprises. Comme l’a suggéré Vanessa Friedman lors du Copenhagen Fashion Summit, la notion de « responsabilité » est plus concrète et actionable. Elle permet de mettre en lumière à la fois les réussites et les manquements : une entreprise peut traiter ses travailleurs de manière éthique, mais gaspiller d’énormes quantités d’eau et de produits chimiques dans sa production. La clarification de la terminologie est la première étape ; donner à cette conversation l’urgence qu’elle mérite est la suivante.
Prenons l’exemple du défilé printemps/été 2019 homme d’Off-White, où du plastique recyclé était mis en avant sur une pièce, tandis que l’empreinte environnementale globale de la marque restait non adressée. Aucun engagement public ni programme de responsabilité sociale n’a été communiqué. Même si la narration créative célèbre des symboles de durabilité ou des esthétiques en plein air, la réalité des pratiques commerciales raconte une autre histoire. Il ne s’agit pas de blâmer un seul designer, mais de mettre en évidence un schéma plus large dans l’industrie. Sans responsabilité, le progrès stagne. La presse mode a le pouvoir d’éclairer ces lacunes et d’encourager un changement significatif.
Les médias peuvent influencer la compréhension des consommateurs en rendant la responsabilité accessible et concrète. Les consommateurs ignorent souvent ce qu’ils devraient exiger, car le vocabulaire est vague ou galvaudé. Tout comme le public s’est informé sur l’alimentation ou les soins de la peau, il peut apprendre à consommer la mode de manière responsable : comment les vêtements sont fabriqués, ce qui rend un produit éthique et comment assurer leur recyclage. La couverture médiatique devrait privilégier la transparence plutôt que le marketing, examiner le greenwashing et éduquer le public sur les pratiques réelles.
Rédacteurs et journalistes peuvent montrer l’exemple : interroger les marques sur l’origine des matières, les processus de production et les conditions de travail, tout en évitant les gadgets promotionnels qui détournent l’attention de la responsabilité. De petites actions, comme refuser les cadeaux publicitaires, peuvent contribuer à une évolution culturelle vers une consommation consciente.
Au final, acheter des vêtements doit être un choix réfléchi, et non une habitude par défaut. La mode est un luxe, et l’indulgence implique la responsabilité. Une fois que les consommateurs comprennent les conséquences environnementales et sociales de leurs habitudes, un changement de valeurs s’ensuit naturellement. Le potentiel de transformation est immense — à condition que la conversation soit prise au sérieux.
La survie de l’industrie de la mode pourrait dépendre de ce changement. La presse se trouve à un carrefour : encourager une industrie polluante ou utiliser son influence pour générer un changement réel. En mettant l’accent sur la responsabilité plutôt que sur des promesses vagues de durabilité, les médias de la mode peuvent contribuer à créer une industrie plus éthique, consciente et respectueuse de l’environnement — transformant le savoir en action et l’opportunité en responsabilité.
Référence : https://i-d.co/article/if-fashion-is-going-to-clean-up-its-act-we-need-to-stop-talking-about-sustainability/



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